Des brevets qui pourraient coûter cher

La monétisation des brevets est devenue une source de revenus non négligeable pour de nombreuses sociétés. En détenant des brevets souvent assez fumeux mais très rentables, elles forcent ainsi les industries du monde entier à leur reverser des centaines de millions d'euros. Ces industries acceptent de payer, car cela revient moins cher que d'attaquer un brevet devant un tribunal pour essayer de le faire annuler.

Le groupe financier Procter & Gamble, qui possède notamment la marque Pampers, détient ainsi des dizaines de brevets essentiels dans la conception des couches culottes et qui décrivent des concepts utilisés aujourd'hui couramment par tous les industriels qui fabriquent des protections pour enfants ou pour adultes. Parmi ces brevets, on trouve par exemple l'utilisation d'élastiques à l'entrejambe pour retenir le liquide, l'utilisation d'autocollants ou de scratchs réajustables, le principe de la culotte à enfiler (les pants), le mélange de fluff et de polymère SAP qui permet d'avoir un vrai coussin absorbant, et bien d'autres éléments intervenant dans la fabrication des couches telles qu'on les connaît aujourd'hui.

La plupart de ces brevets ont été enregistrés entre les années 1990 et 2000, mais ils étaient restés méconnus et sous-estimés. Il semble cependant que P&G soit bien décidé à les utiliser pour freiner une concurrence devenue un peu trop gênante, en s'appuyant directement sur le nouveau traité international ACTA pour faire respecter ses droits. Les industries peuvent bien évidemment essayer de se passer de ces technologies, mais il est fort probable que cela les conduirait à concevoir des couches peu pratiques à utiliser ou ridiculement inefficaces. La clientèle mécontente se tournerait alors naturellement vers les couches fabriquées par P&G, car elles offriraient des avantages indéniables.

P&G a d'ailleurs précisé qu'il était déjà en discussion avec les principaux fabricants de couches pour enfants et adultes, et on se doute que le coût pour pouvoir utiliser leurs brevets sera très élevé. Il est évident que seuls les fabricants les plus importants comme Tena pourront s'offrir ce luxe et qu'ils le répercuteront forcément sur le prix du produit final. Certains ne pourront de plus pas s'offrir la totalité des brevets et devront limiter de façon drastique leur gamme de produits. Cela va probablement rendre très difficile la survie des fabricants plus modestes comme Abena ou Attends, et signe très certainement l'arrêt de mort des couches spéciales ABDL qui étaient apparues depuis quelques années telles que les Bambino et les Cushies. P&G a indiqué que les éventuelles actions en justice contre les sociétés qui utilisent ses technologies et qui refuseraient de payer débuteraient avant l'été.

De là à ce qu'une société comme Suprima impose à son tour de faire payer ses brevets sur la fabrication des culottes en plastique, on imagine rapidement l'effet dévastateur que cela pourrait avoir sur tout l'écosystème des boutiques ABDL et de leur clientèle.